Pas de séquestration dans l’entreprise sans risque pénal, y compris pendant un conflit social.
L’affaire Goodyear, qui avait défrayé la chronique, est passée devant la chambre criminelle de la Cour de cassation le 24 janvier 2018.
Dans le cadre conflictuel d’un projet de fermeture d’usine, plusieurs salariés avaient retenu le directeur de l’établissement et le DRH dans les locaux administratifs de l’usine durant 2 jours.
Certains salariés avaient été jugés au pénal coupables « d’arrestation, séquestration ou détention arbitraire aggravées suivie d’une libération volontaire avant le septième jour », trois d’entre eux l’étant également pour violences volontaires en réunion.
Dans les faits les juges ont relevé que :
-le directeur et le DRH avaient été privés de leur liberté d’aller et venir du 6 janvier 2014 vers 10 h jusqu’au 7 janvier à 15 h 30 ;
-qu’il avait été indiqué aux responsables du site, à la suite de l’échec des négociations, qu’ils ne pourraient pas quitter les lieux ;
-que la séquestration n’était pas contestée et que certains des salariés avaient défini les « règles de détention » et pris en charge la communication sur l’action en cours, l’un d’entre eux l’organisant notamment en surveillant les deux hommes et en contrôlant leurs déclarations à la presse ;
-que des salariés avaient apporté leur concours en fournissant des plateaux-repas aux deux personnes séquestrées et en les accompagnant dans leurs déplacements.
La Cour de cassation confirme que quatre des prévenus avaient bien commis des actes ayant pour effet de priver le directeur de l’établissement et le DRH de leur liberté d’aller et venir et s’étaient ainsi rendus coupables de séquestration (c. pén. art. 224-1).
La condamnation de trois salariés du chef de violences volontaires en réunion ayant entraîné une incapacité totale de travail de moins de 8 jours est également confirmée par la Cour de cassation.
Les peines de prison avec sursis prononcées en appel ont donc été avalisées (un an, 2 mois et 3 mois selon les cas).
Pour rappel, on notera qu’à côté du risque pénal, sur le plan civil, il a déjà été jugé qu’un salarié qui avait personnellement participé à l’action collective au cours de laquelle le DRH avait été retenu plusieurs heures dans le cadre d’une grève (de 11 h 45 à 15 h 30) pouvait être valablement licencié pour faute lourde (cass. soc. 2 juillet 2014, n° 13-12562, BC V n° 158). La faute lourde a ainsi été reconnue quand bien même la séquestration ne s’est accompagnée d’aucune violence ou dégradation ou n’a duré que quelques heures
Cass. crim. 24 janvier 2018, n° 17-80940 D
Source : RF Social